Laurène Laffargue, « Entreprises, misez sur vos extérieurs »
Laurène Laffargue, 36 ans, finaliste Prix Écovisionnaires 2023, dirige « Ecopaysage Solutions », une entreprise qui lui va comme un gant. Ou plutôt comme un beau projet collaboratif.
Racontez-nous votre parcours…
Je suis née dans le sud-ouest. Au lycée, j’ai rencontré des étudiants qui venaient de l’étranger. Ces autres cultures m’ont attirée, et je suis partie un an aux USA, dans l’état du Wyoming. En rentrant, j’ai intégré une classe préparatoire, puis les Arts et Métiers à Bordeaux, en double cursus au Brésil. J’y suis retournée pour mon stage de fin d’études chez Schlumberger, avec des collègues du monde entier, j’ai tellement aimé cela ! J’obtiens ensuite mon premier poste salarié dans la même entreprise en Écosse. J’y alterne formations et missions sur plusieurs continents : en Afrique, au Moyen-Orient, aux Amériques, en Thaïlande… Mais dans ce secteur arrive le creux de la vague. Le temps que le marché revienne, l’entreprise me propose une mise en disponibilité. Je travaille alors en tant que responsable amélioration continue à la SNCF. Et puis je décide de partir en voyage en Europe en Land Rover avec mon petit ami de l’époque… un voyage qui tourne finalement court. De retour en France, je déménage à Paris où j’intègre un cabinet de conseil. Les méthodes y sont très poussées et l’objectif des missions aligné avec mes valeurs. Le soir de mon premier jour, je rencontre le futur papa de mon fils… Trois ans plus tard, nous déménageons en Bretagne, à Vitré, pour nous rapprocher de sa famille.
Un nouvel élan ?
Oui, à ce moment-là, je veux donner encore plus de sens à mon métier. Je pense d’abord à accompagner des passionnés de jardins qui veulent les sublimer. À la CCI, on me conseille de suivre une formation diplômante en aménagement paysager. Mon compagnon me soutient dans cette année en tant qu’interne à Combourg. Je me forme aux côtés de clercs de notaire, d’anciens commerciaux, d’anciens acteurs… de tous les âges ! Nous allons passer 9 mois tous les jours ensemble. Quelle richesse ! Je monte en compétence en entretien et conception d’extérieurs écolabellisés et je retrouve une nouvelle énergie… Je réalise que j’ai également une base technique solide et une connaissance avancée des enjeux des entreprises, mon projet s’affine : je décide de m’occuper de l’aménagement des extérieurs des entreprises, car de mon point de vue, ils sont sous-valorisés. Leurs potentiels pour les transitions sont forts : développer le bien-être des salariés, contribuer à la captation du carbone et à la biodiversité, rendre ces sites plus autonomes en énergie et en eau… tout cela en concevant des extérieurs vivants, utiles et beaux. Entreprises, misez sur vos extérieurs ! Je me positionne en conceptrice et cheffe de projet, et cherche ensuite les partenaires de confiance : jardiniers, fabricants et installateurs d’aménagement en matériaux locaux, offreurs de solutions innovantes… J’ai passé du temps à trouver le bon statut, celui de coopérative d’activité et d’emplois me semble idéal. J’ai intégré la coopérative Elan Créateur en mai 2023. C’est ainsi que je travaille en collectif à tous les niveaux : via mon statut (mutualisation, réseaux), en collaboration avec des experts (formation de groupements sur-mesure par projet) et par l’approche participative de ma démarche. La vraie valeur est là. Et c’est surprenant de constater qu’à partir du moment où l’on est à l’endroit où l’on se sent bien, on rencontre les personnes qui nous amènent plus loin !
Avez-vous rencontré des difficultés en tant que femme ?
J’ai grandi dans une famille de filles et j’ai été éduquée sans différenciation garçon-fille. Mes deux grands-mères ont été des sources d’inspiration pour moi. Ma grand-mère maternelle a eu une carrière militaire. À l’époque, malgré ses responsabilités professionnelles, pour ouvrir un compte bancaire, la banque lui a demandé l’autorisation signée de mon grand-père. Elle a eu trois filles. Ma grand-mère paternelle, venue d’Italie en France à 3 ans, a perdu ses parents lorsqu’elle était jeune. Elle a été placée, ainsi que ses deux sœurs, et a dû quitter le système scolaire à 13 ans. Elle va sur sa 101ème année en avril. Elle m’a fait prendre conscience très tôt de la chance et de l’importance des études. Au travail, j’ai constaté des écarts de promotion par genre, c’est vrai. J’ai vu des femmes freinées dans leur promotion, en particulier managériale. J’ai entendu à plusieurs reprises des femmes managers être qualifiées de « bossy »*, terme anglais péjoratif sans équivalent masculin. Heureusement, les choses évoluent positivement, surtout ces dernières années.
Entreprendre : qu’est-ce que cela représente pour vous ?
À 15 ans, j’ai été interviewée car j’avais gagné un concours d’éloquence. C’est amusant de voir ce que j’avais dit : « Je ne sais pas ce que je veux faire plus tard, mais je ne veux pas avoir de patron ». Entreprendre c’est la liberté de s’organiser, la possibilité d’apprendre en continu. Le fait d’être responsable autant des échecs que des réussites. J’aime imaginer et créer des nouveaux modèles, penser autrement, aller à la découverte de solutions à la croisée des domaines grâce à l’intelligence collective… c’est vital pour moi !
Que peut-on vous souhaiter pour les mois qui viennent ?
De la visibilité pour que, parmi les entreprises bretonnes engagées et conscientes des enjeux, quatre me confient la conception de leurs extérieurs avec une approche globale ! Plus généralement, une prise de conscience de l’importance du végétal et de l’approche collaborative.
Site internet : ecopaysage-solutions.com
*autoritaire dans le sens tyrannique