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Safiya COTONNEC, responsable artistique de la Compagnie Têtdici Têtdailleurs, à Brest (29)

J’ai vécu une rencontre très forte avec le théâtre : ce fut pour moi une révélation. ”

Elle pose ses mots comme un funambule pèse ses pas. Parce que chaque terme compte, par son sens et sa “raison-nance”, Safiya m’a partagé son parcours de comédienne-metteure en scène avec une magnifique douceur. Un cheminement de vie où les histoires, le théâtre et la poésie se suivent telles de charmantes poupées russes. Retour sur notre échange de femme à femme.

Elle a découvert les arts par le théâtre durant l’adolescence, dans son village des Yvelines. “J’ai vécu une rencontre très forte avec le théâtre : ce fut pour moi une révélation.” Comme une évidence, elle porte à 17 ans la volonté de devenir comédienne. Elle s’oriente alors vers l’option théâtre au lycée ; s’en suit une Maîtrise dans les arts du spectacle à Nanterre tout en jouant sur scène des pièces aussi bien expérimentales que classiques en tant qu’amateure et semi-professionnelle. Après avoir travaillé un an dans une compagnie à Bordeaux, elle rentre en région parisienne où elle s’intéresse à l’art-thérapie. Elle y rencontre une amie qui projette de monter sa compagnie de théâtre et lui apprend que certains masters préparent à cet objectif. Un Master management du spectacle se déroule à Brest, dans les terres d’origines de ses parents. Elle candidate alors. Deux semaines avant la rentrée, elle apprend qu’elle est sélectionnée. C’est là un nouveau cap : celui du retour aux sources bretonnes.

Durant cette formation de deux ans elle travaille sur les divers postes liés au spectacle vivant : comptabilité, communication, événementiel… “Ce Master est exceptionnel car il est sérieux, cohérent et riche d’expériences. Nous travaillions aussi vraiment sur le terrain : festivals, institutions… : un cursus très formateur !”

À la sortie de cette formation intense, Safiya intègre la Compagnie Dérézo en tant que chargée de diffusion ainsi que comédienne. Au bout de deux ans elle éprouve “l’envie d’une parole plus personnelle.” Elle se sent prête ; c’est décidé : elle créera sa propre compagnie ! Ce désir part d’une démarche artistique, avec la volonté de rester à son échelle.

“ Être comédien aujourd’hui est très dur ; ça passe par le désir : c’est être désiré. C’est un métier où il faut beaucoup de lâcher-prise pour se laisser diriger, amener au sein d’une oeuvre collective proposée par une autre personne. L’acteur est un créateur et c’est la même chose au féminin. Ici cette personne c’est moi-même : aujourd’hui je me définis comme une comédienne-metteure en scène. J’ai besoin de cette liberté.”

En 2006, Safiya donne vie à son projet en créant Orgasme adulte échappé du zoo. Une pièce de Dario Fo et Franca Rame. Elle la joue seule en scène sous la forme d’un monologue qui monte crescendo. La comédienne travaille alors avec un créateur lumière, un créateur son ainsi qu’un co-metteur en scène pour mettre en spectacle. Dans cette tragi-comédie, Maria le personnage principal, incarne la figure d’une femme-objet. Le spectacle tourne un an. Elle reprend ensuite cette pièce en 2009.

Entre-temps elle crée en 2008 la pièce Salomé, la rencontre où elle (s’)interroge sur le désir de la femme. Et l’objet du désir de Salomé : le prophète Saint Jean-Baptiste. Objet impossible qui la pousse à demander sa tête puisque c’est la seule chose qu’elle puisse obtenir de lui.

En 2010, voilà que Safiya emménage dans le quartier Rive Gauche de Brest, à une période où elle se questionne sur les représentations du monde, tantôt uniques et tantôt parallèles. L’occasion se présente de participer à une déambulation organisée au sein d’une fête de quartier de Recouvrance. Cela répond pleinement à son aspiration du moment : “Je ressentais l’envie de ne plus être enfermée dans la boîte noire du théâtre.” Aussi, on lui propose de travailler avec l’auteur brestois Hervé Eléouët qui a écrit notamment le recueil À côté de la plaque. Safiya écrit alors Explorations…où les aventures de Maria avec le désir de proposer au public de multiples rendez-vous. Ainsi elle réincarne Maria en écrivant la suite de son histoire initiale : l’artiste écrit et joue plusieurs histoires qui prolongent la première. Maria va à la plage, Maria va au lavoir, Maria va faire ses courses au marché… Une boîte de Pandore s’ouvre : Maria aime partager, mais aussi apporter du baume au coeur. Son personnage initial renaît alors de ses cendres avec cette envie forte d’occuper l’espace public.

 

 

Aujourd’hui, Safiya a élargi son panel de travail. “Les moments où je joue sont une petite partie de mon activité car je fais beaucoup de choses ailleurs”. Depuis trois ans maintenant, l’artiste intervient au sein d’un EHPAD où elle anime des ateliers d’écriture avec des personnes très âgées ainsi que des lectures jouées avec une autre comédienne. Safiya réalise également des partenariats avec des établissements scolaires comme le collège de l’Harteloire à Brest. Curieuse d’apprendre et de partager, elle vient aussi de se former à la Langue des Signes Française.

À la question “ C’est quoi être comédienne aujourd’hui ?” Safiya répond avec philosophie : “ Être comédien aujourd’hui est très dur ; ça passe par le désir : c’est être désiré. C’est un métier où il faut beaucoup de lâcher-prise pour se laisser diriger, amener au sein d’une oeuvre collective proposée par une autre personne. L’acteur est un créateur et c’est la même chose au féminin. Ici cette personne c’est moi-même : aujourd’hui je me définis comme une comédienne-metteure en scène. J’ai besoin de cette liberté.”

 En tant qu’entrepreneure, elle voit en Femmes de Bretagne “un merveilleux réseau, une vraie force où chacune a sa place. Ici, le réseau a une consistance et une raison d’être, où l’on s’enrichit et on communique beaucoup.”

Et si la femme était son fil d’Ariane ? Le livre de chevet de Safiya en ce moment : les textes de Clarissa Pinkola Estés, l’auteure de Femmes qui courent avec les loups. Une oeuvre où la question de la nature profonde,multiple et sauvage de la femme se révèle omniprésente. ”La place des femmes dans la société m’interpelle beaucoup. La question de la différence et celle de l’altérité me touchent. Et la personne dont on parle le mieux… c’est soi.” me confie-t-elle. Le personnage de Maria incarne pleinement cette figure féminine, avec un message d’espoir, de révolte, de force, mais aussi de fragilité sur la question “comment comprendre, appréhender, aimer toutes nos facettes, toutes les facettes de la femme ?” Justement, la création lui apparaît être une forme de militantisme : “créer pour exister”.

 

 Safiya Cotonnec,  Responsable artistique

Compagnie Têtdici Têtdailleurs / 6 rue Pen Ar Creach, 29200 Brest / 06.19.81.83.69 / tetdici@gmail.com

Siret :49086183800020 / APE :9001Z / Licences d’entrepreneur du spectacle : 2-1034364 / 3-1034365 / 

 Un entretien mené par la Plume Virginie Le Duff,  Experte en blogging