
Laetitia Sanquer, formatrice de LSF
Qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre entreprise ?
Je suis Laëtitia Sanquer, bretonne très attachée à mon territoire où existe une très belle dynamique entrepreneuriale. Maman de trois enfants de 22, 18 et 12 ans, j’ai créé mon entreprise en 2019. Je suis formatrice de LSF, conseillère accessibilité dans les entreprises et
j’accompagne également le public Sourd et malentendant dans différents domaines : séjour touristique pour faire découvrir la richesse de notre patrimoine bretons, sortie botanique autour des plantes sauvages comestibles et médicinales, apiculture, atelier en lien avec le prendre soin. La perte de mon audition il y a environ 15 ans m’a dévié du métier de soignante que j’exerçais et cela m’a fait réaliser combien cette vulnérabilité pouvait être un levier de changement positif et porteur de sens, combien affronter ma fragilité me rendait puissante. Etre soi-même concernée par le sujet apporte une authenticité exceptionnelle et un regard précisément pertinent sur les actions à mener pour une société plus inclusive, ce joli mot sur le papier que j’ai à coeur d’incarner. Dépasser les barrières, créer des ponts, voilà ma vocation ! Je me suis formée dans différents domaines en lien avec la LSF et le handicap et en parallèle depuis de très nombreuses années, à la botanique. C’est aujourd’hui cette expertise plurielle que j’offre à mes clients.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
S’entourer de personnes compétentes qui sauront accompagner le projet peut sembler un peu complexe au départ. Savoir à quelle porte frapper, par où commencer …
Avez-vous des modèles ou des mentors qui vous ont inspirée ?
Oui ! Virginie Delalande, première avocate Sourde de France est une belle source d’inspiration qui parle de résilience, de performance et de créativité adaptative. J’aime particulièrement ses mots : « Ne me définis pas par ce que je ne peux pas faire, mais par la créativité avec laquelle je contourne, je dépasse. »
Quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Croire en soi en défiant le syndrome de l’impostrice ! Lire Les Légitimes de Maryne Bruneau m’a apporté de vraies pistes pour défier cette impression qui me chatouillait parfois. Et ne l’oublions pas, chaque doute, chaque remise en question, peut devenir un moteur pour avancer, pour faire les choses autrement et pour grandir !
Comment avez-vous construit votre réseau professionnel ? Quel rôle a-t-il joué dans votre succès ?
Le réseau « entendant » comme je l’appelle, celui que je forme à la langue des signes, que je sensibilise à la surdité, que j’accompagne dans l’embauche d’un.e salarié.e Sourd.e, que j’éclaire sur les adaptations de poste, je l’ai développé au départ grâce au tissu amical qui a su me recommander auprès de leur entourage professionnel, cela m’a permis de vivre des expériences aussi diverses, que formatrices et gratifiantes. La routine n’existe pas et cela est vraiment stimulant. Dernièrement j’animais deux ateliers dans une très grande Maison de Haute Couture parisienne. Qui l’eût cru que le sésame pour y entrer serait ma surdité ?! Et depuis peu, j’utilise LinkedIn, les réseaux sociaux sont aussi une très bonne vitrine. Le réseau Sourd et malentendant, quant à lui, grâce à mon apprentissage en 2008 de la langue des signes. Petit à petit en m’investissant auprès de différents événements pour ce public dont je fais partie, j’ai fait de belles rencontres qui en ont fait naître d’autres. Je suis une femme profondément philanthrope et oeuvrer
vers plus d’accessibilité est l’essence même de mon existence.
Si vous aviez une baguette magique pour changer quelque chose du passé, y a-t-il un moment ou une décision que vous modifieriez ?
Non, rien, tout était juste et formateur même dans l’adversité !
Avez-vous une anecdote durant votre parcours entrepreneurial que vous aimeriez partager ? (quelque chose de drôle, cocasse, ou dont vous avez un peu honte…)
Ma surdité m’a fait développer un super-pouvoir : la lecture labiale ! J’ai donc pu surprendre une conversations entre deux clients alors qu’ils chuchotaient assez loin de moi ! Ouf, ils disaient du bien 🙂 Signer est aussi une façon de s’exprimer qui éveille la curiosité, faire danser les mots en silence attire souvent le regard. C’est ainsi que dans un train, alors que j’échangeais avec un ami, un artiste, I Muvrini (qui a fait un superbe duo avec Sting) est venu me voir et m’a proposé une collaboration et j’ai fini sur la scène du Zénith à Paris par chansigner (chanter en langue des signes) les paroles de ses compositions. Sacré moment inoubliable devant plus de 6 000 personnes.