Claire Cariou, accompagne les entreprises à produire moins de déchets avec l’Eclaireuz
Qui êtes-vous ? Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de votre entreprise ?
J’ai découvert le mode de vie avec moins de déchets un peu par hasard, et cela a été une vraie révélation pour moi. J’ai essayé dans ma vie quotidienne, et j’ai vite ressenti les bénéfices de la démarche. Cela m’a donné envie de partager ces découvertes. J’ai donc décidé de consacrer mon temps et mon énergie professionnels à ce sujet, sans trop savoir quelle forme cela allait prendre. J’ai commencé par créer une chaîne Youtube, que j’ai alimentée pendant plusieurs années, sur laquelle d’autres personnes partagent leurs astuces de réduction des déchets. J’ai ensuite monté une association, Côte Waste, pour pouvoir répondre aux demandes d’ateliers et d’interventions que je recevais. L’association a évolué, et j’ai continué à me spécialiser dans ce domaine très précis de la réduction des déchets à la source. Je suis toujours aussi passionnée. J’ai créé une conférence, puis une autre, des ateliers, des cafés-papote, des interventions scolaires, des diagnostics déchets, des friperies éphémères, et j’ai aussi participé à de nombreux événements locaux. J’ai énormément travaillé sur la communication pour mettre le sujet aussi souvent que possible sur la table. Et je viens de publier un livre sur la réduction des déchets chez les professionnels bretons. En 2021, lors du projet Tro Breizh pour lequel je suis partie 2 mois à vélo sur les routes bretonnes à la rencontre de professionnels ayant des pratiques vertueuses dans la philosophie dite « zéro déchet », j’ai constaté le manque de formations et d’accompagnement pour les entreprises. J’ai donc décidé de créer L’éclaireuz pour accompagner les entreprises. C’est une activité encore en cours de création, car je n’ai pas encore trouvé la formule idéale. Mais j’y travaille. En parallèle, j’ai écrit un livre pour relater les résultats de ce Tro Breizh. Il recense le témoignage de 33 des professionnels rencontrés, avec le journal de bord du voyage à vélo comme fil rouge.
Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Et comment les avez-vous surmontées ?
La période du Covid a été très difficile car ce n’était plus possible d’exercer, et mon activité ne rentre dans aucun domaine reconnu par l’état. Depuis, face à la hausse des matières première et à l’explosion des coûts de l’énergie, la question de la réduction des déchets est passée en bas de la pile des priorités. Depuis, c’est difficile de dégager des budgets pour la question. Mais je cherche de nouvelles façons de m’adapter à la conjoncture. Car paradoxalement, la prise de conscience grandit dans la société, et de plus en plus d’entreprises et collectivités décident d’opérer des changements. L’autre difficulté pour moi, c’est le niveau d’énergie à déployer pour tenter d’être entendue. Le mot « déchet » est tout sauf sexy, et beaucoup ne veulent pas en entendre parler. Il y a aussi énormément d’a-priori sur la démarche, et en parler c’est prendre le risque de passer pour une donneuse de leçons. Pourtant ma démarche est toute autre. Je réfléchis actuellement à une autre manière d’aborder la question, pour déjouer ces a-priori et ces blocages en amont. J’ai peut-être une piste…
Avez-vous des modèles ou des mentors qui vous ont inspirée ?
Oui, j’aime énormément le travail de Rob Hopkins. Il est à l’origine du mouvement des villes en transition. Il a une manière joyeuse et créative d’aborder la question des transitions et de l’urgence climatique. Il collecte également les bonnes idées à déployer plus largement. J’ai assisté à plusieurs de ses conférences, et c’est toujours un bonheur. Pour moi, le virage écologique doit être joyeux et passionnant, et rime avec stimulation, partage, créativité, et non contrainte et austérité. Rob Hopkins incarne cela pour moi. Il a signé la préface de mon livre, et j’en suis extrêmement honorée. Xavier Combe, son ami et interprète français, est co-signataire de cette préface. C’est également une personne positive et intelligente avec qui j’ai grand plaisir à échanger. Je suis aussi très admirative d’Emmanuelle Cadiou, la présidente de la Maison Cadiou à Locronan. Elle inscrit son entreprise dans une démarche apprenante, et a une vision très moderne de la direction d’une entreprise. Et lors de mon Tro Breizh, ce fameux tour de Bretagne à vélo, j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de responsables d’entreprises très inspirants, comme par exemple Frédéric Guémas de Publigraphic, ou Tiphaine Turluche des Bottes d’Anémone. Et tant d’autres !
Quels conseils donneriez-vous à une femme qui souhaite se lancer dans l’entrepreneuriat ?
Peut-être de tenter de se débarrasser de ce sentiment d’imposture, qu’on retrouve bien plus souvent chez les femmes. De ne pas hésiter à prendre sa place, sans attendre qu’on la lui propose. Je suis très admirative des femmes et de tout ce qu’elles sont capables d’accomplir. Nous avons en nous une force inouïe, et souvent une grande résilience. Faisons-nous confiance. Et lorsque les blocages intérieurs sont trop grands, ne pas hésiter à demander de l’aide pour tenter de les comprendre.
Comment avez-vous construit votre réseau professionnel ? Quel rôle a-t-il joué dans votre succès ?
Lorsque j’ai décidé de me lancer dans la réduction des déchets, j’ai commencé par essayer de rencontrer toutes les personnes de mon territoire qui œuvraient en faveur de l’environnement. J’ai passé beaucoup de temps à échanger avec les gens qui font des choses positives. Je voulais comprendre qui faisait quoi, et comment nous pouvions agir ensemble. Avec le recul, je me rends compte que cela m’a fait rencontrer beaucoup de gens. J’ai continué en élargissant la zone géographique au fil du temps. J’ai aussi participé à des événements et intégré des réseaux en lien avec ma thématique. J’ai fait partie d’une coopérative d’activité pendant un an et demi, et j’y ai rencontré de belles personnes. Je ne sais pas si on peut parler de succès dans mon cas, car je suis encore en construction d’activité. Mais une chose est sûre : sans tous ces échanges enrichissants, mon parcours aurait été bien terne. Je me construis aussi grâce à toutes ces personnes passionnantes qui m’entourent, et je n’hésite pas à les solliciter quand j’ai des informations ou des conseils à demander.
Si vous aviez une baguette magique pour changer quelque chose du passé, y a-t-il un moment ou une décision que vous modifieriez ?
Oui, si c’était à refaire je penserais plus à moi qu’au collectif. J’ai fait l’erreur (très féminine, d’ailleurs) de faire passer le bien collectif avant moi, et je me rends compte que ce n’est pas tenable sur la durée. J’ai longtemps accepté d’être très précaire pour pouvoir me consacrer à des projets qui font du bien aux autres. Je me suis par exemple lancée corps et âme dans des projets très lourds mais totalement bénévoles. Mais je ne pourrai apporter quelque chose de positif que si je me sens pleinement épanouie dans ma vie. C’est un changement que je suis en train d’opérer aujourd’hui. Je m’accorde aussi des temps de pause, ce que j’ai négligé avant, et qui m’a mené au bord de l’épuisement professionnel. J’en tire une sacrée leçon. J’ai aussi profité de ces situations un peu extrêmes pour travailler sur moi et comprendre ce qui me poussait à agir ainsi. Maintenant que j’ai compris, je peux changer de mode opératoire. Un mal pour un bien !
Avez-vous une anecdote durant votre parcours entrepreneurial que vous aimeriez partager ?
Grâce à mes actions en faveur de la réduction des déchets, j’ai découvert que j’adorais parler en public. Je participe régulièrement à des émissions de radio et de télé, je fais des conférences, et j’adore ça ! Ne me mettez pas sur scène avec un micro dans les mains en me demandant de raconter ce que je veux, je pourrais tenir des heures !