Lucie Labergerie, ingénieure chimiste engagée dans la réduction des déchets cosmétiques
Normande de naissance, Bretonne d’adoption, Lucie Labergerie mène une vie d’engagement. Ingénieure chimiste, spécialisée en cosmétologie, elle œuvre en recherche et développement en vue de réaliser une véritable innovation de rupture en matière d’emballages, avec Reviviscens. En phase de prototypage, son projet pourrait bien révolutionner le monde des produits de beauté…
Imaginez en France les volumes que représentent notre hygiène et notre beauté. Combien de flacons de gel douche, de bouteilles de shampooing, de tubes de dentifrice ou de déodorants sont jetés chaque année ?
94 000 tonnes ! Dont 75 000 tonnes ne sont absolument pas retraitées. « La recharge est possible sauf quand il y a des risques de contamination microbiologique », indique Lucie Labergerie. « Si le produit est moussant, alors il n’y a pas de soucis. Mais pour les crèmes de cosmétique qui touchent la peau directement, ce n’est pas possible. Le pot reste à usage unique ». Alertée par ce constat, l’ingénieure chimiste s’est donnée pour mission de bouleverser l’ordre établi en développant un matériau nouveau dédié aux emballages cosmétiques capable d’être entièrement compostable. Un projet sous les feux des projecteurs depuis qu’elle a été reçue par le Premier Ministre à Matignon pour représenter le Morbihan lors du prix 101 Femmes Entrepreneures.
Mais comment cette jeune femme de 26 ans s’apprête-t-elle à changer le monde ?
Ingénieure, chercheuse et découvreuse !
Née dans la campagne près de Rouen, Lucie Labergerie s’intéresse très tôt à la science et à la chimie. Elle entre en classes préparatoires pour intégrer l’École nationale supérieure de chimie de Rennes. Elle suit un double cursus d’ingénieure chimiste et un diplôme canadien en cosmétologie. « C’est vraiment la matière qui m’intéresse, qui me permet de travailler sur les couleurs, les odeurs, la texture », explique-t-elle. Son stage de fin d’études à Montréal se poursuit une année de plus dans le laboratoire de cosmétologie Attitude, dont les produits cosmétiques se vendent au Canada et aux États-Unis principalement.
De retour en France, Lucie Labergerie complète son cursus par un Master Entrepreneuriat à l’EM Strasbourg. Une année qu’elle effectue en alternance au sein de l’entreprise Kerbi à Arradon, fabricant de crèmes solaires bio. C’est là que Lucie commence à réfléchir à son propre projet d’entreprise. « Durant le Master, nous avions accès à toutes les connaissances nécessaires pour développer un projet.
Mes convictions environnementales m’ont amené à faire le constat de cette problématique importante : les entreprises de cosmétiques savent faire des formules bio, écologiques et performantes. En revanche, leurs emballages majoritairement en plastique ont un vrai impact », explique-t-elle. Alors, Lucie décide de s’attaquer à ce problème.
Créer un nouveau matériau
« Mon objectif est de travailler sur le développement d’un nouveau matériau », indique-t-elle, gardant confidentiels les ingrédients et les recettes qu’elle teste. « Les Britanniques ont développé des bioplastiques à partir de matières naturelles. La transformation chimique lourde que ces matières subissent crée de nouveaux polymères. Mon projet au contraire est d’utiliser de la matière première d’origine naturelle qui réduise l’usage des matières fossiles, sans obliger à occuper des terres de culture, comme pour l’amidon de maïs, et qui revienne à la terre. »
Cette nouvelle matière entièrement compostable doit être capable de se dégrader dans un compost de jardin en un an, en préservant la qualité de la terre. « La forme et l’épaisseur vont déterminer la capacité de dégradation », complète l’ingénieure.
En phase de prototypage, le projet Reviviscens est amené à subir différents tests avant de pouvoir répondre à plusieurs normes réglementaires. Si ces essais sont concluants, Lucie Labergerie sera candidate au dépôt de brevet et pourra alors mener la réflexion de l’industrialisation. « J’explore plusieurs pistes en même temps », indique la jeune femme qui sait qu’elle s’inscrit dans le temps long de la recherche. Face à elle, un marché colossal qui exigera aussi des moyens de développements importants.
Un écosystème favorable à la création
Salariée trois jours par semaine chez 7 d’Armor, Lucie Labergerie s’assure que les produits d’entretien et de nettoyage de ce fabricant sont bien conformes aux réglementations. Les deux autres jours, elle les consacre à la recherche au sein du laboratoire de l’UBS.
Soutenue par Socomore au sein de l’incubateur Socoboost, et accompagnée par Emergys de la technopôle VIPE à Vannes, Lucie Labergerie bénéficie de tout un écosystème de compétences, de connaissances et de réseaux.
Membre de l’association Live for Good, qui aide les porteurs de projets de moins de 30 ans dont l’impact est positif pour l’environnement et la société, l’ingénieure participe à des séminaires et des ateliers de co-développement permettant de créer des synergies. Pour aller encore plus loin, l’ingénieure chimiste partage ses recherches auprès d’Axilone Plastique, groupe international (3 700 collaborateurs, 300 M€ de CA) qui possède deux sites de production à Auray et Guidel, grâce à sa mise en relation par le biais de Passeport Armorique pour Entreprendre, levier au service des étudiants entrepreneurs. Spécialisé dans la fabrication d’emballages de cosmétiques de luxe, Axilone Plastique s’intéresse de près au recyclage et à la biodégradabilité : il existe donc des synergies possibles avec l’offre d’emballages écoresponsables et compostables de Lucie Labergerie si ses recherches aboutissent…